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Chronique

Bon magasinage!

14 juin 2024

Depuis une dizaine d’années, on assiste à un certain éclatement du mode de consommation. En même temps que l’on déploie de grands, voire mégas, centres commerciaux, on voit un regain d’intérêt pour les petites boutiques, portées par un désir grandissant pour l’achat local. Cela permet d’ailleurs à plusieurs compagnies québécoises de se démarquer dans un créneau de la mode féminine de prêt-à-porter local, éthique et relativement abordable. Ces compagnies comptent généralement sur une boutique ayant pignon sur rue, tout en bénéficiant du déploiement de l’achat en ligne, lequel a définitivement le vent dans les voiles depuis la pandémie.

Mais faisons un saut dans le temps. Où allaient les Sherbrookoises pour se vêtir il y a 120, 100 ou encore 70 ans? Tout d’abord, la rue Wellington est sans contredit la destination à envisager, avec un petit détour peut-être sur la rue King Ouest. Entre les années 1890 et la fin des années 1950, le ratio, même s’il varie un peu, ressemble à : pour cinq commerces consacrés, en totalité ou en partie, à la mode féminine, quatre sont situés sur la rue Wellington, alors qu’un seul est érigé sur la rue King Ouest, entre le pont Aylmer et la rue Belvédère.

Si certaines boutiques n’ont que quelques apparitions dans les Sherbrooke Directories ou sont peu publicisées dans les journaux locaux, témoignant de leur présence éphémère, d’autres jouissent d’une certaine longévité. C’est notamment le cas du commerce de M. McKechnie, spécialisé dans les vêtements et les étoffes, qui a déjà pignon au 138 de la rue Wellington en 1890, et chez qui on peut encore s’approvisionner en 1913. Même succès pour Kushner Frères, en affaires au 178 de la rue Wellington Nord de 1916 à 1945, pour le New Sherbrooke Clothing Store, des associés francophones Nault et Lacroix, localisés sur la rue King Ouest, de C.-O. Saint-Jean, situé au 21 rue Wellington Nord et spécialisé dans la vente de bas, voiles et tissus, pour la corsetterie Chez Yvette, tenue par la femme d’affaires Yvette Précourt de 1936 à 1971, ou encore pour les fourrures J. A. Robert, en opérations de 1909 à 2017 et dont la première boutique de manteaux de fourrure ouvre ses portes sur la rue Wellington avant de déménager, quelques décennies plus tard, sur la rue King Est.

Par ailleurs, dès la fin des années 1910, on voit également apparaître des succursales de grands magasins à grande surface dans les locaux du centre-ville. Pensons à Woolworth, Simpson-Sears, Zellers, Reitmans, Greenberg’s ou encore Au bon marché. Le secteur des rues Wellington Nord et King Ouest est donc, durant plus de 60 ans, l’endroit par excellence pour faire ses achats, que ce soit pour un chapeau, un tailleur, un manteau ou une mante de fourrure ou encore des chaussures. Mais à partir du début des années 1960, le paradigme commercial change avec l’arrivée du premier centre commercial en sol sherbrookois.

Même si le premier centre commercial américain ouvre ses portes vers 1915 au Minnesota, et en 1949 du côté canadien, c’est davantage au cours des années 1950 que le concept de mall prend son essor. À Sherbrooke, c’est en 1960 qu’on inaugure le Centre d’Achats Sherbrooke (rebaptisé Les Promenades King dans les années 1980). Suivront, avant la fin de la décennie, la Place Belvédère, Les Galeries Quatre-Saisons et Les Terrasses Rock Forest. Le Carrefour de l’Estrie, quant à lui, célèbre sa grande ouverture en octobre 1973.

N.B. Les adresses mentionnées sont celles de l’époque où les commerces étaient en activité. L’attribution des numéros civiques a subi plusieurs changements, surtout au centre-ville, durant la première moitié du 20e siècle.

Photo 1 : Le commerce J.A. Wiggett and Co Boots & Shoes est situé en face du carré Strathcona et vend une variété de bottes et de chaussures. Photo : 1912. Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke.

Photo 2 : La devanture du commerce Kushner Frères. Celui-ci offre à sa clientèle des vêtements, des chapeaux et des frivolités pendant près de 30 ans. Fonds de la famille Rodolphe Langis.

Photo 3 : Intérieur de la corsetterie Chez Yvette, située à l’actuel 16 rue Wellington Nord, lors de l’ouverture de la boutique en janvier 1936. Fonds Yvette Précourt.

Photo 4 : Véronique Boisvert prend la pose sur la rue Wellington Nord. Derrière elle, on aperçoit notamment l’affiche du magasin Simpson-Sears. Juillet 1959. Fonds Henri Z. Boisvert.

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