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Chronique

La fin d’une ère : 160 ans d’histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Sherbrooke

11 novembre 2024

Il y a peu de trace dans les archives des organismes présents avant 1850. La vie locale est alors axée autour des éléments du travail, de la famille et de la religion. Ainsi, les premières associations sont directement associées à la foi et à la tempérance. La Sherbrooke Temperance Society (1832) en est un bon exemple.

Les associations volontaires se forment davantage de concert avec le développement urbain. À Sherbrooke, l’arrivée du train (1852) transforme la cité en petite ville industrielle. La croissance de la population entraine une pluralité des liens interpersonnels et des intérêts communs, notamment en culture, en sport, en fraternité et en patriotisme.

Insistons sur ce dernier élément. Sans surprise les groupes « patriotiques » favorisent l’appartenance ethnique : les Canadiens-Français fondent la Société Saint-Jean-Baptiste (1858), les Anglais ont la St-George’s Society (1861) alors que les Irlandais organisent la St-Patrick’s Society (1873). Parmi ses groupes, seule la Société Saint-Jean-Baptiste passe les affres au travers du temps.

Des débuts plus difficiles

Le sentiment « patriotique » des francophones sherbrookois met à rude épreuve les débuts de la SSJB locale. Il faut dire que les francophones deviennent majoritaires à Sherbrooke seulement vers 1870. De plus, au contraire des autres SSJB, l’élite francophone s’implique peu, au départ. Ce sont davantage des travailleurs, des manuels et des artisans qui vont s’inscrire à la SSJB de Sherbrooke. À preuve, le premier président, Gabriel Caron, est forgeron et agriculteur.

La SSJB de Sherbrooke a comme mission la défense de la langue française, de la foi et de la culture canadiennes-françaises. Localement, elle mise sur l’entraide entre francophones. Elle devient même une Société de bienfaisance dès 1867 couvrant ainsi les frais d’enterrement de ses membres.

Dans ses premières décennies, les membres de la SSJB de Sherbrooke souhaitent que l’association soit active à l’année, et non simplement pour la fête de la St-Jean. En plus de prendre position sur des enjeux nationaux, la SSJB de Sherbrooke s’implique et favorise la colonisation des francophones dans les Cantons-de-l’Est.

En 1939, l’Association devient la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Sherbrooke. Les objectifs demeurent les mêmes, axés sur la défense de la langue et les valeurs catholiques. On ajoute par contre la prise en charge de l’économie par les francophones. La SSJB met sur pied la campagne « d’Achat chez nous » pour encourager l’achat local.

Les années 1940-1950 marquent le début des prix Entraide, du prix littéraire du Juge-Lemay, du prix d’honneur pour les étudiants. C’est également à cette époque (1944) de l’on admet les premières femmes comme membres à la SSJB.

Une Société « distincte »

Au début des années 60, la SSJB de Sherbrooke se dissocie de la Fédération des SSJB et la quitte définitivement en 1969, principalement à cause de la question nationale. La SSJB de Sherbrooke se positionne dans un axe « d’un Québec fort dans un Canada uni ». Dans cette lignée, elle invite le premier ministre du Canada Pierre Elliot Trudeau à venir célébrer la fête nationale de 1969. Les réactions sont nombreuses menant même à un attentat du Front de Libération du Québec (FLQ) devant l’édifice de la SSJB sur la rue Queen-Victoria. Finalement, on déclare 30 000 $ en dommages et Pierre Elliot Trudeau annule sa visite.

Cet événement est significatif de la position de la SSJB de Sherbrooke qui continuera de tendre vers une position plus fédéraliste. Elle ne déposera pas de mémoire lors des consultations sur l’avenir du Québec, invitera le Gouverneur-général du Canada ou encore verra son « DG » organiser la Fête du Canada.

Un bilan positif

Quoi qu’il en soit, tout au long de son histoire, la SSJB, est un acteur incontournable sur plusieurs enjeux de société : le nom de la région, la création d’un salon du livre, la fondation de l’Université de Sherbrooke, la toponymie locale, la défense de la langue française, la favorisation de l’économie locale, etc. Moins active sur la place publique ces dernières années, la SSJB continue (ou continuait) d’organiser des concours en histoire, à remettre des prix de littérature, de musique, de journalisme, de sports, de cuisine, d’affaires, de personnalité féminine et d’engagement. Sur plus de 160 ans d’histoire la SSJB aura contribué à la solidarité et à faire rayonner des enjeux et des talents d’ici.

 

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