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Chronique

La mode victorienne : taille fine et beaucoup de tissus

11 juillet 2024

Les vêtements que nous portons sont plus que de simples tissus cousus ensemble. En effet, ils reflètent nos traits de personnalité, nos goûts, les mentalités de notre époque et celles de la société dans laquelle nous vivons. Au cours des deux derniers siècles, les composantes de la mode féminine (modèles, tissus, accessoires, coiffures et autres artifices) se sont grandement transformées, influencées notamment par les normes et diktats sociaux à l’égard des femmes, mais aussi par les avancées économiques, industrielles et technologiques.

L’époque victorienne (1832-1901) est marquée par sa relative sobriété, son inspiration de la royauté britannique et sa tendance à exagérer les tailles féminines. Lors de ces années, les normes sociétales et religieuses conditionnent les femmes à porter des vêtements qui couvrent leur corps afin de protéger cette image de pureté qu’on leur associe… et de ne surtout pas tenter les hommes parfois faibles devant les charmes féminins. En effet, « il n’est pas de bon ton de dévoiler quelque partie du corps féminin, que ce soit en dehors du visage, de parer le visage de maquillage ou d’user de tout autre artifice destiné à charmer »[1].

Le veuvage hâtif de la reine Victoria, à seulement 42 ans, et le fait qu’elle gardera le deuil tout au long de sa vie influencent sans contredit ses tenues et, par le fait même, la mode féminine de ses contemporaines. Alors que des portraits d’elle plus jeune la représentent en robes aux tissus pâles, plus le temps passe et plus les couleurs sont sombres. Cela dit, la tenue féminine typique victorienne comprend une chemise avec des manches plus ou moins bouffantes, un corset dûment serré, ainsi qu’une robe ou une jupe longue avec une crinoline. Cette dernière « prend littéralement la forme d’un dôme destiné à protéger la pudeur de sa propriétaire »[2] et n’a rien à voir avec la crinoline des années 1950 et du style Rockabilly. La crinoline est un élément vestimentaire important et très commun. En plus d’être physiquement un dispositif empêchant la proximité des corps, elle cache la forme naturelle des femmes, accentue exagérément leur taille et les confine au rôle de bibelot lors des soirées mondaines tant les mouvements sont difficiles, voire impossibles, comme s’asseoir.

[1] Rose-Line Brasset, À la mode de chez nous 1860-1980, Québec, Les publications du Québec, 2013, p. 39.

[2] Brasset, À la mode de chez nous, p. 38.

Très présente vers 1830, la crinoline tend à disparaître à partir des années 1850 et 1860 pour laisser place à la tournure qui, à son tour, devient un élément marquant du costume féminin victorien. En fait, la tournure (ou bustle) est un coussin que l’on installe sous la jupe à l’aide d’une structure métallique, à la hauteur des reins. Cela permet de mettre en valeur la courbe postérieure d’une gente dame et, encore une fois, de souligner (ou de donner l’impression de) la finesse de la taille.  Ainsi, autant la crinoline que la tournure donnent aux femmes une silhouette avec des hanches plus élargies tout en préservant une petite taille.

La photographie n’est pas très répandue ou accessible durant la période victorienne, bien qu’elle se démocratise peu à peu à la fin du siècle. Or, il va sans dire que les familles royales, l’aristocratie et la bourgeoisie y avaient accès relativement facilement dès les années 1860. Cela nous permet d’observer certains exemples de la mode de cette période à l’aide d’archives iconographiques, lesquelles sont sans doute plus fiables que les portraits parfois complaisants de la bonne société ou de la famille royale.

Toujours est-il que lorsque l’on compare les portraits de la reine Victoria vers le milieu du 19e siècle, ou encore ceux de la reine Marie dans les années 1870, avec les photographies de femmes de la région de la même époque, les influences dominantes sont remarquables : taille fine (réelle ou amplifiée), beaucoup de tissus… et parfois bien de la dentelle.

Curieux ou curieuses d’en apprendre sur les modes qui viennent après la période victorienne? L’exposition La mode féminine en 5 temps, présentée au Mhist jusqu’au 20 octobre 2024, aborde justement les grandes tendances (et ses influences) pour les périodes comprises entre 1890 et 1989!

Photo 1 : Reconnaissez-vous cette figure royale britannique? En effet, c’est bel et bien la reine Victoria qui prend la pose dans la fameuse crinoline, un élément vestimentaire du milieu du 19e siècle. Photo entre 1850 et 1870. Collection de la Société d’histoire de Sherbrooke.

Photo 2 : Avec sa grâce, la petite sœur de l’impératrice Élisabeth d’Autriche, Marie-Sophie (future reine des Deux-Siciles) pose pour la caméra. Sa tenue élégante et abondante en détails démontre la richesse de la famille royale. Photo dans les années 1870. Fonds Walter Alexander.

Photo 3 : Dans les années 1880, la famille de Léonilde-Charles Bachand décide d’immortaliser un moment familial. On constate que Georgine Camirand (épouse de Léonilde-Charles Bachand) porte la tournure, qui connait une grande popularité autant en Europe que dans les Cantons-de-l’Est. Fonds Léonidas Bachand.

Photo 4 : Dans les années 1860, les quatre femmes de la famille Bazin prennent une photo devant un fond qui donne l’illusion qu’elles sont dehors. Elles portent des tenues longues et sophistiquées, sans oublier leurs majestueux chapeaux. Fonds Juliette O’Bready-Graham.

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