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Acquisition du fonds Huguette O’Neil
17 janvier 2025
Huguette Tanguay, de son nom de jeune fille, nait le 6 janvier 1936, à Québec, de l’union de Bertha Lapointe et Léopold Tanguay. Suivra, trois ans plus tard, une petite sœur prénommée Marthe. Les jeunes filles effectuent leurs études dans leur ville natale, mais par souci économique, elles sont fréquemment retirées de l’école avant la fin de l’année et y retournent généralement tard à l’automne. La jeunesse d’Huguette est également caractérisée par les nombreux déménagements de la famille. Léopold Tanguay, n’ayant pour salaire que celui d’un journalier, cherche constamment à améliorer le sort des siens. Ces nombreux déménagements font en sorte que les deux jeunes filles parviennent difficilement à suivre un cursus scolaire constant et adéquat. De ce fait, elles n’ont pas la chance de se voir octroyer de récompenses académiques ou même de diplômes scolaires. Le père des fillettes réussit finalement à sortir de sa précarité économique en devenant représentant pour la compagnie de machinerie agricole Cockshutt Farm Equipment Ltd. C’est ainsi que la famille est enfin en mesure de jouir de la vie et de voyager quelque peu. À la même époque, Huguette devient membre des Jeannettes. Elle s’y investit si bien qu’elle atteint le grade de cheftaine.
Malgré les nombreux obstacles qui se dressent sur son parcours académique, Huguette parvient à terminer un cours de dactylographie au Collège O’Sullivan. Ce diplôme, qui changera à bien des niveaux le cours de sa vie, l’amène à obtenir, en 1952, un contrat de dactylo à la Faculté de génie forestier et d’arpentage de l’Université Laval. C’est dans le cadre de ses fonctions qu’elle fait la rencontre de Louis-Couillard O’Neil, étudiant de troisième année et fils de Louis-Couillard O’Neil et de Marthe Belleau, respectivement éditorialiste et collaboratrice au journal La Tribune de Sherbrooke. Le coup de foudre est instantané pour Louis, mais Huguette ne se laisse pas si rapidement séduire. Après plusieurs mois de courtisanerie, elle succombe finalement au charme de cet ingénieur forestier. Le couple se marie le 3 septembre 1955 et a, au fil des dix années suivantes, cinq enfants : Marie-Josée (1956), Christine (1958), Bernard (1960), Anne (1963) et Lucie (1965). Aussitôt marié, le couple déménage à Syracuse, dans l’état de New York, où Louis poursuit des études supérieures à la State University of New York. Il en obtiendra d’ailleurs un PhD quelques années plus tard.
Au début des années 1960, Louis accepte un poste de professeur à la Faculté des Sciences de l’Université de Sherbrooke et c’est ce qui amène le couple à s’établir dans les Cantons-de-l’Est. C’est sur la rue St. Francis, à Lennoxville, qu’ils élisent domicile.
L’année 1967 marque, quant à elle, le début de la carrière de journaliste et pigiste d’Huguette O’Neil. C’est à L’Hebdo de Sherbrooke qu’elle fait son entrée, notamment en signant les chroniques « Télé-révision », « Faire–part » et « Le métier de… ». Elle contribuera au journal jusqu’à sa fermeture, en 1968. Pendant plusieurs années, elle collabore également, et entre autres, à des journaux et magazines tels que Perspective, Culture vivante, Le Devoir, Le MacLean, L’Actualité, Le Courrier médical, L’Actualité médicale et La Presse.
Les années 1970 voient également l’arrivée de la présence télévisuelle d’Huguette O’Neil. Elle fait ses débuts à CHLT-TV en 1970, à l’animation de « C’est mon opinion ». Il s’agit d’une capsule éditoriale de cinq minutes, présentée hebdomadairement avant le bulletin de nouvelles régionales du midi. Ces courts éditoriaux ne laissent personne indifférent. Ils sont francs et parfois même controversés. Elle fait alors partie des premières femmes québécoises à occuper une telle chaise. En tout, c’est une soixantaine de textes qu’elle signe.
Malgré toutes ses contributions journalistiques, elle trouve le temps, en 1977-1978, de s’impliquer dans le Conseil du statut de la femme du Québec. C’est en tant que directrice de l’information qu’elle s’y démarque. Elle y porte, à travers une campagne de presse bien ciblée, le dossier de la nécessité pour les femmes d’obtenir un congé de maternité financé par l’État. Le dossier est chaud puisque le Conseil milite pour une politique qui encadre les femmes, alors que le gouvernement semble davantage souhaiter une politique de la famille. C’est dans ce contexte qu’Huguette O’Neil est convoquée par Jacques Parizeau, alors ministre des Finances du Québec. Il lui offre alors de faire partie d’un nouveau comité d’examen de la fiscalité québécoise. Elle décline en citant ses faibles connaissances en la matière, mais profite de l’occasion pour lui remettre le dossier des congés de maternité payés. L’année suivante, une loi est votée à l’Assemblée nationale du Québec et entre en vigueur en 1979. Les femmes ont gagné 18 semaines de congé sans courir le risque de perdre leur emploi. C’est une belle avancée pour l’époque!
Parallèlement, elle continue d’écrire et obtient, en 1986, une bourse de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec qui l’amène à effectuer une série de reportages sur la condition des femmes en pays industrialisés. Elle quitte donc, la même année, pour la Suède.
Elle délaisse peu à peu le journalisme pour se tourner vers la littérature. Elle publie six ouvrages à compte d’auteur au cours de sa carrière. Le premier d’entre eux est Propos sur la vie, publié en 1988. Le succès est instantané. Le métier d’autrice lui rapporte tout autant de reconnaissance que le journalisme. Elle remporte, en 1992, le prix Gaston-Gouin de même, qu’en 1993, le prix Juge-Lemay pour son livre Belle-Moue, roman inspiré par le décès de sa mère en 1988. Il s’agit, en fait, d’un de récit biographique dans lequel l’autrice raconte aussi un peu de sa propre histoire. Un des grands accomplissements d’Huguette O’Neil est très certainement la publication, en 2004, de la biographie d’Yvette Rousseau, La réussite d’une vie, qu’elle réussit à compléter grâce à la bourse Yvette-Rousseau de l’Université du Québec à Montréal. Son dernier ouvrage, Réjean Ducharme. Écrivain génial, paraît en 2016.
Conjointement à sa carrière de journaliste et d’autrice, Huguette O’Neil s’implique dans plusieurs organismes et associations. Elle est, entre autres, trésorière pour l’Association professionnelle des femmes journalistes, poste qui lui permet de voyager à travers le monde, est impliquée au sein de l’Association des auteures et auteurs des Cantons-de-l’Est, du Salon du Livre de l’Estrie, du Comité des archives du diocèse de Sherbrooke et de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke.
Les années passent et les O’Neil, vieillissant, songent maintenant à quitter leur résidence de la rue St. Francis. Huguette et Louis cassent maison et déménagent définitivement dans un appartement de Sherbrooke en 2013. Après cinquante années à habiter la même résidence, c’est un deuil, mais ils quittent tout de même le cœur léger. Louis-Couillard O’Neil s’éteint six ans plus tard, soit le 10 mai 2019, à l’âge de 89 ans.
Le fonds, résultat de trois versements effectués par la donatrice, est constitué de nombreux documents iconographiques qui, pour la plupart, documentent les lancements de livres, événements littéraires ou remises de prix auxquels Huguette O’Neil a participé au cours de sa carrière. Les documents textuels, quant à eux, sont composés de nombreux textes originaux qui ont été publiés dans les quotidiens et périodiques auxquels la donatrice a contribué ou qui ont été diffusés sur les ondes de CHTL-TV. Quelques manuscrits d’ouvrages publiés, de même que les plans de travail de ceux-ci, sont présents dans le fonds. Les documents textuels comprennent également de la correspondance reçue par la donatrice de même que le brouillon d’une autobiographie non publiée. L’ensemble des ouvrages écrits par Huguette O’Neil est présent dans le fonds. Deux documents sonores complètent l’ensemble des versements.
L’importance du fonds est indéniable. Principalement axé sur la vie professionnelle d’Huguette O’Neil, femme de tête, femme de cœur et femme de son époque, il offre un instantané d’une époque qui voit le Québec changer à vitesse grand V. Dans la fleur de l’âge durant Révolution tranquille, c’est activement qu’elle y participe. Féministe et militante, elle a nécessairement contribué, par ses nombreux textes, à conscientiser les Québécoises et Québécois de la place qui revient aux femmes. Ayant peu d’instruction académique, elle est néanmoins très cultivée et cela transparaît à travers la riche carrière qu’elle a menée et la vie qu’elle a vécu. Le Mhist est donc, pour toutes ses raisons et plus encore, très fier de compter parmi ses fonds et collections, celui de Mme Huguette O’Neil.