Chronique
Avis aux consommatrices!
14 août 2024
De nos jours, les femmes sont assaillies par d’innombrables publicités provenant d’une grande variété de compagnies à travers le monde qui proposent, notamment à travers les médias sociaux, des accessoires ou des produits de beauté. Toutefois, on constate que c’était déjà le cas bien avant la multiplication des médias, comme la télévision et plus tard Internet. À titre d’exemple, les illustrations de femmes ayant tous les atouts physiques souhaités ainsi que les énoncés appelant à la perfection du corps rappellent aux lectrices sherbrookoises du quotidien La Tribune qu’elles auront toujours du travail à faire pour atteindre l’idéal de beauté féminin. Heureusement pour elles, il existe des solutions à leur portée – ou du moins à celle de leur portefeuille!
Afin de posséder l’anatomie rêvée, la minceur reste un incontournable. Si le corset était un indispensable de la garde-robe d’une femme jusqu’aux années 1920, la taille svelte continue d’être en vogue. On propose dès lors à la population féminine d’autres choix d’accessoires gainant. La Dominion Corset se réinvente et vend une variété de sous-vêtements amincissants, comme le NuBack ou le Lelong, qui vantent certes une souplesse et une grande liberté de mouvements, mais qui continuent malgré tout de promouvoir un corps avec une forme idéalisée en moulant taille et hanches et en ayant l’objectif de rendre l’ensemble le plus menu possible[1]. Le Walk-Away de Wilco Fashions, qui remplit le même objectif, promet un amincissement instantané de 3 pouces et un rajeunissement immédiat, évitant de perdre de longs mois à atteindre le poids souhaité[2]. Comment les Sherbrookoises pouvaient-elles résister à ces promesses après avoir feuilleté leur journal?
Mais la plus curieuse des options présentées aux femmes reste incontestablement l’utilisation de divers consommables dont les vertus étaient prétendument révolutionnaires. Rien de moins! Pourquoi se procurer une multitude d’accessoires qui ne font que donner l’illusion de la perfection quand l’usage d’un seul produit peut véritablement entraîner les résultats escomptés? C’est par exemple le cas des Sels Kruschen qui, pour 75¢ par mois (environ 17$ aujourd’hui), promettent de préserver une belle taille, comme la « Vénus du Yorkshire », comparée à la Vénus de Milo. Le secret? Un savant cocktail de minéraux de sources européennes à mélanger dans un verre d’eau chaude, le tout à consommer chaque matin[3]. Difficile de résister à ce remède minceur miraculeux; même les gaines ne peuvent l’égaler!
Parmi les autres produits publicisés dans la presse écrite, on peut mentionner la perle de rose ou la moelle de bœuf, vendues par Mme LaPerleDeRose au 18 rue Alexandre, ou encore le vin St-Michel, produit par Boivin, Wilson & Cie, compagnie localisée à Montréal mais faisant la promotion de leur breuvage jusque dans les Cantons-de-l’Est. Alors que la vendeuse sherbrookoise propose, en 1918, deux produits qui ont la capacité de guérir respectivement toutes les affections de la peau et celles du cuir chevelu, et ce, pour la modique somme de 50 à 75 ¢ la bouteille (environ 10 $ aujourd’hui)[4], la compagnie montréalaise, quant à elle, met en vente partout, dès 1910, une boisson qui enrichit le sang, redonnant ainsi des couleurs à sa consommatrice et lui prodiguant un visage avenant[5]. Tous les moyens sont bons pour acquérir une chevelure longue et soyeuse et une peau douce et éclatante, et même les produits qui peuvent paraître douteux aux yeux des acheteuses potentielles du 21e siècle trouvaient certainement preneuses autrefois.
De surcroît, il n’y a rien de mieux que les apparences flatteuses et les proportions parfaites affichées parmi les pages des périodiques pour convaincre les lectrices. Celles-ci nourrissaient assurément de folles espérances en voyant les femmes représentées, qu’elles soient dessinées ou photographiées. Quoi qu’il en soit, en partie avec ces images qui attirent le regard, mais aussi grâce aux formules accrocheuses, il ne fait aucun doute que les Sherbrookoises parvenaient à trouver leur compte parmi l’offre publicisée dans les journaux.
Icono. 1 : Avec l’abandon du corset, la compagnie Dominion Corset repense le sous-vêtement amincissant en proposant divers modèles de gaines, comme la NuBack, la Lelong ou encore la Lily of France. Publicité dans La Tribune, 29 avril 1959, p. 20.
Icono. 2 : Incarnant la référence des proportions féminines, la Vénus de Milo continue d’être l’idéal à atteindre pour de nombreuses femmes, et toutes les voies pour y arriver sont bonnes à emprunter… même la consommation de sels minéraux! Publicité dans La Tribune, 15 mai 1935, p. 6.
Icono. 3 : Irrésistible : c’est ce que la mousse crémeuse du savon Lux promet d’accomplir chez la femme lorsque celui-ci est utilisé régulièrement, comme de nombreux autres produits quasi miraculeux vendus dans les journaux. Publicité dans La Tribune, 25 janvier 1940, p. 8.
Icono. 4 : L’utilisation du dessin pour vendre des produits est régulièrement utilisée par les compagnies, d’autant plus qu’il permet de représenter la gente féminine sans aucune imperfection. De quoi faire rêver les potentielles acheteuses! Publicité dans La Tribune, 27 janvier 1948, p. 5.
[1] La Tribune, 13 mars 1950, p. 6 et La Tribune, 27 janvier 1948, p. 5.
[2] La Tribune, 17 mai 1955, p. 7.
[3] La Tribune, 15 mai 1935, p. 6.
[4] La Tribune, 1er mai 1918, p. 6.
[5] La Tribune, 6 avril 1910, p. 6.