Chronique
Charles Dickens, père des célébrations de Noël
21 décembre 2021
La période des Fêtes « […] c’est une bonne période : une période agréable de bonté, de pardon et de charité ; le seul moment que je connaisse, dans tout le calendrier de l’année, où hommes et femmes semblent consentir leurs subalternes comme de vrais compagnons, en route comme eux vers la tombe, et non comme une catégorie d’êtres à part, en route vers quelque autre destination. »
Fred Scrooge, Le Conte de Noël de Charles Dickens, 1843
Adapté à plusieurs reprises à travers les époques et plus récemment par Mickey Mouse, les Muppets, Bill Murray et Disney, le célèbre conte du XIXe siècle A Christmas Carol, fait toujours rêver et il est indissociable de Noël. Et pourquoi? Principalement puisqu’il est devenu un classique des célébrations de fin d’année, mais particulièrement parce que ce conte n’a pas pris une ride. Au contraire, il dessine les traits d’une société qui place en son centre l’argent et le capitalisme au détriment des plus démunis. Il remet en question la manière de vivre de ses protagonistes par le biais du fantôme des noëls passés, présents et futurs, dans un moment où tous dressent un bilan de l’année qui se termine et mettent sur papier des résolutions positives pour la prochaine à venir.
Épilogue d’une philosophie de Noël
Au XIXe siècle, le développement d’une bourgeoisie fait de Noël un des grands rassemblements familiaux où l’enfant en devient le centre. De ce fait, l’éducation de cette petite société grandissante est d’autant importante et Dickens calque dans son récit ce souci d’empathie et de solidarité de la collectivité. Si l’Allemagne joue un rôle capital dans la construction de la ritualisation de Noël, l’Angleterre créée ce que l’on appelle « l’esprit de Noël ». Mais au-delà de l’élaboration des élites, la littérature joue un rôle prédominant dans la construction du Noël que nous connaissons aujourd’hui.
Charles Dickens (1812-1870), écrivain d’origine anglaise, écrit son œuvre en 1843 et malgré son âge, le conte perdure dans le temps et se trouve toujours au cœur des célébrations modernes de Noël, en raison notamment de son message intemporel. Mettant en scène un homme avar et peu généreux qui conserve ses sous de manière malicieuse, Scrooge se retrouve la veille de Noël à faire face à trois fantômes qui lui présentent ses agissements du passé et ceux du présent. S’il poursuit sur le chemin qu’il s’est dessiné, ceux-ci consolideront l’homme qu’il est et le mèneront à une fin tristement tragique et seul. Après cette nuit troublante et épeurante, Scrooge devient empli de l’esprit de Noël. Au petit matin de Noël, il prépare cadeaux, dons et victuailles à partager entre amis.
Encourageant à la fois la générosité, le partage et l’esprit de charité, Dickens, sous le reflet de ses trois fantômes, élabore une véritable « philosophie de Noël » et transforme cette célébration religieuse vers une fête plus humaine. Au-delà de la critique sociale d’une Angleterre industrielle, le moment phare du récit reste certainement le dîner des Cratchit qui modèle le réveillon familial, modeste certes, mais chaleureux, aimant et joyeux qui, à l’époque, charmera la société victorienne. Cet esprit de Noël fait oublier la misère, la maladie, les grèves ouvrières et la pauvreté engendrée par l’industrialisation anglaise du XIXe siècle, au profit de la famille et de la joie de se réunir. Dickens met ainsi de l’avant dans son œuvre la bonheur, l’innocence de l’enfance, la charité, la chaleur humaine et la « régénération morale », soit une nouvelle chance de faire le bien et de devenir un être meilleur, à l’instar de Scrooge. L’ouvrage, dès sa publication, le 19 décembre 1843, gagne les cœurs de tous et les londoniens se l’arrachent. Même les détracteurs du célèbre auteur ne peuvent que louanger son génie.
Une tradition qui se perpétue
À la fin du XIXe siècle, l’esprit de Noël, illustré avec brio dans le Chant de Noël de Charles Dickens, s’est répandu à travers l’Europe entière ainsi qu’en Amérique. En 1892, l’Examiner, un journal anglophone sherbrookois, publie les souhaits du commerçant J.R. McBain: qui se réfère aux écrits de Dickens et de Shakespeare pour offrir ses meilleurs vœux de Noël à sa clientèle.
Bien plus qu’une histoire, certains considèrent le récit comme une véritable « bénédiction ». Notamment, un lecteur du Sherbrooke Daily Record souligne l’importance de Dickens durant la période des Fêtes de 1911, en le qualifiant de « chef-d’œuvre de la littérature de Noël », et exhortant « tous les pessimistes de Noël » à le lire.
Au-delà de ces quelques exemples, le conte est repris dans de nombreux contextes au cours du XXe siècle notamment à la radio, lors d’événements spéciaux, au théâtre et même dans certains sermons. D’ailleurs, lors du Noël 1929, alors que la ville connaît les affres du krash boursier, le Sherbrooke Daily Record célèbre le conte de Dickens en tant que « l’histoire appropriée pour cette saison » où les gens doivent s’entraider.
Encore aujourd’hui, le conte de Dickens est d’actualité : tant le texte original que les multiples adaptations qui se sont insérées, au fil des décennies, dans nos traditions de Noël, tout comme les valeurs de charité et de générosité prônées par l’œuvre. Plusieurs actions se mettent d’ailleurs en place pour venir en aide aux plus démunis durant le temps des Fêtes qui se veut une période de réjouissances. Pensons à la campagne de jouets des scouts et des pompiers, aux dîners organisés par les Dames de la Charité, au traditionnel dépouillement d’arbre de Noël au centre de Réhabilitation ou encore à Arthur et son œuvre mis sur pied en 1954 qui distribue des denrées aux personnes démunies. En 1980, c’est au tour de Rock Guertin, à la suite d’un appel lancé à la radio, de mettre en place une vaste campagne de paniers de l’espoir. Plus de quarante ans plus tard, la Fondation Rock Guertin distribue encore des paniers de Noël à plus de 2000 foyers durant les Fêtes, à Pâques et à l’occasion de la rentrée scolaire. Comme quoi la générosité n’est pas exclusive à Noël!
Joyeuses Fêtes 🎄