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Chronique

La star du Saint-François, Herbie Carnegie, intronisé au Temple de la renommée du hockey

11 novembre 2022

Herbie Carnegie naît de parents jamaïcains le 8 novembre 1919, à Toronto. Du haut de ses 5 pieds 6 pouces et affichant quelque 77 kg, il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de hockey de son époque (que ce soit dans le junior A ou le senior), rivalisant même avec certaines des grandes vedettes de l’époque, dont Jean Béliveau avec qui il évolue dans l’équipe des Aces de Québec[1]. Ivan Dugré, entraîneur-chef du Saint-François, le qualifie même de « centre par excellence […] ».

Il débute sa carrière dans le junior A à Toronto, dès 1938. Déjà, son talent épate les plus grands, dont le propriétaire des Maple Leafs de Toronto, Conn Smythe, qui va jusqu’à affirmer, à l’époque, « qu’il le recruterait demain s’il pouvait le rendre blanc »[2]. Au début des années 1940, il évolue dans la ligue semi-professionnelle au sein de l’équipe des Bisons de Buffalo-Ankerite de Timmins, en Ontario. Avec son frère aîné, Ossie Carnegie (ailier droit), et Vincent Churchill « Manny » McIntyre (ailier gauche), il compose ainsi le premier trio noir à évoluer au sein d’une même équipe. Ils sont, entre autres, surnommés les « Brown Bombers ». Malgré le fait que l’équipe des Bisons de Buffalo-Ankerite soit la première à mettre au jeu le trio, plusieurs équipes prétendront, plus tard, être les premières à l’avoir fait, notamment les Cataractes de Shawinigan et le Saint-François de Sherbrooke.

Au cours de la saison 1947-1948, Carnegie établit un record en atteignant 127 points, cumulant 48 buts et 79 aides en 56 parties. En 1948, il est repéré par un recruteur des Rangers de New York (LNH). Frank Boucher, gérant de l’équipe, qui l’invite alors au camp d’entraînement. Tous les yeux sont rivés sur lui, car s’il est repêché, il deviendra le premier homme de couleur à faire son entrée dans la LNH. Dès la fin du camp d’entraînement, il est invité à se joindre au club-école, mais Carnegie refuse. Le montant qui lui est offert est inférieur à ce qu’il gagne au Québec. La somme qui lui est proposée est mince et pourtant il est « meilleur que bien des joueurs blancs qui étaient mieux payés »[3]. Au sujet de ces événements, il affirme que « les Rangers voulaient ni plus ni moins profiter de [lui]. C’était une forme déguisée d’esclavage »[4]. Au bout du compte, nombreux sont ceux qui se surprennent de la tournure des événements, puisque pour Carnegie, la Ligue nationale est le but ultime. Lorsqu’il quitte le camp du club-école, tous sont étonnés qu’il retourne ainsi bredouille à la maison.

Il est de retour à Sherbrooke pour la saison 1948-1949, au grand bonheur de ses coéquipiers et des partisans, d’autant plus que l’équipe a intégré la Ligue de hockey senior du Québec (LHSQ). Tous ne partagent pas le même enthousiasme, car lorsque l’équipe de Sherbrooke est admise dans la ligue senior, les instructeurs affirment du même souffle : « surveillons la ligne des Noirs ». Herbie Carnegie devint dès lors la cible de ses adversaires. C’est donc sur Manny McIntyre, plus grand que Carnegie, que retombe la responsabilité de surveiller les joueurs de l’équipe adverse, et ce, aux dépens de sa propre feuille de pointage, afin de permettre à son coéquipier d’exceller sur la glace.

La même année (1949), Carnegie reçoit le trophée George Povey Memorial à titre de joueur le plus utile à son équipe, et ce, pour la troisième saison consécutive. Il est à noter que le trophée est créé à la mémoire de George Povey, hockeyeur de talent et grand bâtisseur dans le milieu du sport sherbrookois [5].

Carnegie est tout de même échangé la même année aux As de Québec. C’est d’ailleurs au sein de cette formation qu’il fait la rencontre de Jean Béliveau, avec qui il patine deux saisons. Bien qu’il songe à prendre sa retraite après sa troisième saison, Carnegie reste quatre années et remporte le championnat de la Ligue en 1952. Il prend sa retraite en 1954, à l’âge de 34 ans, après une seule et dernière saison avec les Mercurys d’Owen Sound.

En 1955, il fonde la Future Aces Hockey School, école de hockey pour les jeunes de 12 à 14 ans, puis fonde, en 1987, avec sa fille Bernice, la Future Aces Foundation. La philosophie derrière la Future Aces Foundation met l’accent sur les réalisations des futurs hockeyeurs, la saine compétition et le travail d’équipe.

Carnegie profite de sa retraite pour s’adonner au golf, sport dans lequel il excelle également. Il gagne d’ailleurs plusieurs prix tout au long de sa « carrière ». Il rechausse ses patins à plusieurs reprises au fil des ans, lors d’événements sportifs ou de collectes de fonds. Plusieurs vétérans du Saint-François se retrouvent en 1957, lors d’une joute opposant les Saints et les Red Raiders. En 1968, le fameux trio se réunit une fois de plus à Sherbrooke lors d’une joute où les Old Timers de Sherbrooke affrontent ceux de Montréal.

Herbie Carnegie est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de la ligue senior de son temps. De nature calme, plusieurs le considèrent à l’époque comme un modèle dans la vie autant que sur la glace. Honnête, travaillant et d’une excellente capacité physique, il était un excellent meneur, une source d’inspiration pour plusieurs en plus de donner un excellent spectacle aux partisans. « C’était un joueur brillant, en excellente condition physique, qui ne lâchait jamais et qui était tout aussi bon en offensive qu’en défensive »[6]. Pour Gilles Dubé, il est « certain que si ce n’avait alors été de sa couleur de peau, il aurait été parmi les meilleurs joueurs de la Ligue nationale »[7]. Atteint plusieurs années par un glaucome, il décède le 9 mars 2012, dans un hôpital de Toronto, à l’âge de 92 ans.

Pour l’ensemble de ses qualités sportives et humaines, il est intronisé dans plus de 13 temples et panthéons, dont le Temple de la renommée du sport canadien en 2001 et l’Ontario Sports Hall of Fame en 2014. Il est également récipiendaire de plusieurs distinctions en reconnaissance de son implication communautaire et de ses réalisations, dont l’Ordre de l’Ontario en 1996, la Médaille du jubilé en 2002, l’Ordre du Canada en 2003 et la Médaille du jubilé de diamant en 2012. Il est finalement intronisé au Temple de la renommée du hockey en 2022.

(1) La Tribune, 22 mai 1971, p. A1.

(2) The Canadian Encyclopedia.

(3) La Presse, 28 février 2007, B3.

(4) La Presse, 28 février 2007, p. B3.

(5) Le Front ouvrier, 15 janvier 1949, p. 19.

(6) La Tribune, 14 juin 2001, p. C1.

(7) La Tribune, 14 juin 2001, p. C1.

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