Chronique
Les marchés publics sherbrookois : une tradition vieille de plus de 180 ans!
21 août 2020
Au cours des premières années d’existence du hameau qui prend le nom de Sherbrooke en 1818, l’agriculture constitue l’occupation principale de ses habitants. Petit à petit, le village prend de l’expansion : en 1823, il est nommé chef-lieu du district judiciaire de Saint-François. Artisans, avocats et commerçants s’y installent alors et exercent des activités contrastant avec l’agriculture de survivance pratiquée par les pionniers.
La population sherbrookoise demeure très modeste : on parle d’environ 350 personnes au début des années 1830. Cela dit, cette transition d’un monde agricole à une société d’artisans en phase préindustrielle signifie qu’un nombre grandissant de familles résidentes – ayant à leur tête des hommes d’affaires, des commerçants, des avocats, des médecins ou encore des journaliers – ne cultivent pas la terre, mais doivent malgré tout avoir accès à une variété de produits frais pour s’alimenter. Pour les citadins, le marché public représente l’endroit par excellence pour trouver ces produits qui sont nécessaires à la subsistance de leur famille. De leur côté, les agriculteurs y voient un endroit parfait pour écouler leurs surplus.
C’est en 1837 qu’est mis sur pied le premier marché public à Sherbrooke : un bâtiment en brique est construit à cet effet par la BALCo, à l’angle des rues Marquette et Belvédère, du côté de la rivière Magog. Mentionnons qu’à l’époque, la Market Street (1835) traverse la rue Belvédère et se termine quelque part dans les stationnements qui desservent actuellement la place Andrew-Paton et les résidents de la Sergerie.
Le lieu devient rapidement inadéquat et, dès 1859, un nouveau marché est aménagé, dans la basse-ville cette fois, près de l’extrémité nord de la rue Wellington. L’on érige un édifice qui abritera également des bureaux administratifs de l’hôtel de ville. Les locaux municipaux se situent à l’étage, tandis que les bouchers investissent le rez-de-chaussée. Durant la période estivale, il semblerait que des odeurs désagréables incommodent certains travailleurs… De leur côté, les maraîchers et les regrattiers font leurs affaires à l’extérieur tant et aussi longtemps que le temps le permet. Pendant quatre décennies, le market square est au cœur de la vie non seulement commerciale, mais aussi sociale de Sherbrooke et des environs.
1900 : nouveau siècle, nouveau marché
À l’aube du 20e siècle, le marché public doit déménager pour laisser place au nouveau palais de justice. Inauguré en juin 1900, le marché Lansdowne s’installe sur le site d’un ancien marché de foin et de bestiaux, à l’angle des rues King Ouest et Lansdowne (aujourd’hui rue des Grandes-Fourches). Comme son prédécesseur, il est un lieu socio-économique majeur à Sherbrooke. En plus de l’aire extérieure qui accueille les producteurs maraîchers et les revendeurs, le site comporte un bâtiment accessible à l’année, surtout utilisé par les bouchers. Au fil des années, l’endroit fera l’objet de travaux et de quelques ajouts. L’endroit est toutefois victime du temps qui passe : de nouvelles normes en matière d’hygiène entrent en vigueur pour le bien des consommateurs et le marché n’offre plus des conditions sanitaires satisfaisantes. Le marché Lansdowne ferme pour insalubrité en 1955, marquant la fin d’une histoire de plus de 50 ans.
Entre grandes surfaces et retour à la proximité
Sherbrooke n’est pas sans marché public bien longtemps, puisque, dès le mois d’août 1956, un nouveau marché municipal ouvre ses portes, non loin de l’ancien marché Lansdowne. Même s’il offre une multitude de produits frais locaux, le marché municipal se rapproche davantage de l’épicerie à grande surface que du marché public, du moins pour ce qui est de ses installations. Doté d’un stationnement sur le toit pouvant accueillir jusqu’à 75 véhicules, le bâtiment possède également deux tours : dans celle de gauche, on vend de la viande, alors que les fruits et légumes sont à l’honneur dans celle de droite. Dès 1971, le marché public de Sherbrooke est jugé non rentable et ferme ses portes; la Ville vend alors l’édifice à l’entreprise SIDALI.
Au cours des décennies suivantes, diverses initiatives tentent de mettre sur pied des marchés saisonniers, ce qui témoigne de l’intérêt des gens pour ce type d’offre, malgré le côté pratique des marchés d’alimentation conventionnels. Au début des années 2000, l’idée d’un marché public à Sherbrooke refait surface au conseil municipal. Installé dans l’ancienne gare du Canadien Pacifique construite en 1909, le marché de la Gare ouvre ses portes à l’été 2007 et met depuis en valeur des producteurs maraîchers locaux durant la saison estivale, tout en offrant fromages, saucisses, charcuterie et viandes à l’année dans les installations intérieures.
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L’histoire fait son marché
À l’été 2013, le Mhist initie un partenariat avec Destination Sherbrooke et les membres de la Corporation du Marché, et met sur pied la première édition de l’événement L’histoire fait son marché. Depuis, vers la fin du mois d’août, le Mhist propose une incursion au cœur des marchés publics d’antan, dans le Sherbrooke de 1900. Avec l’objectif de recréer l’ambiance festive, conviviale et sociable propre aux marchés publics d’hier et d’aujourd’hui, différents moyens sont mis de l’avant, dont une sélection de produits au prix d’antan, la distribution de la Gazette du marché (laquelle reprend des nouvelles de l’été 1900), la présence de personnages venus d’hier ainsi que les prestations de musiciens tels que Danse Trad et Yves Hélie, fiers représentants du patrimoine immatériel sherbrookois. À chacune des éditions, l’événement est, de l’avis de tous, un succès.
Dans le contexte actuel, le Mhist a pris la décision, au début de l’été, d’annuler la 8e édition de L’histoire fait son marché. Mais ce n’est que partie remise!